LE DÉVELOPPEMENT DES SERVICES CHEZ UN OPÉRATEUR DE RÉSEAU DE TÉLÉCOMMUNICATION
LES ENJEUX,
LES SOLUTIONS,
LES PIÈGES À ÉVITER
RESUME
Le développement de services innovants permet d’augmenter le revenu moyen par abonné et, par voie de conséquence, d’améliorer la rentabilité d’un opérateur de réseau de télécommunication.
Comme pour toute innovation, le succès commercial d’un nouveau service est souvent difficile à prévoir.
L’opérateur de réseau doit en conséquence être souple et réactif. Il doit maîtriser à la fois les délais (le « time to market ») et les coûts de développement de ses nouveaux services.
Les conditions de succès sont :
- la qualité de la politique industrielle (choix des partenaires),
- la capitalisation des investissements (réutilisation des développements),
- une maîtrise parfaite de la « roadmap » de développement des services, pour pouvoir évaluer à tout moment les impacts et la faisabilité d’éventuels changements de priorité.
Pour y parvenir, l’opérateur doit se doter d’une organisation et de processus adaptés.
LES ENJEUX
Pourquoi développer les services ?
L’exploitation d’un réseau de télécommunication est une activité essentiellement capitalistique. Le coût variable d’acheminement d’une minute de conversation ou d’un kilo-octets de données est faible au regard des coûts d’amortissement des investissements dans les infrastructures.
Un opérateur de réseau dimensionne ses infrastructures en fonction :
- d’objectifs de couverture du marché,
- du trafic à écouler en moyenne et aux heures de pointe, étant entendu qu’il est économiquement plus rentable de perdre un peu de trafic en pointe plutôt que de dimensionner le réseau sur la pointe.
Le développement des nouveaux services a pour objectif d’augmenter le revenu moyen par abonné (ARPU – Average Revenue Per User), en augmentant le trafic en dehors des périodes de pointe et/ou en augmentant le prix moyen de l’octet acheminé.
L’évaluation de la rentabilité des nouveaux services
L’évaluation de la rentabilité d’un nouveau service est un exercice difficile car il nécessite d’en maîtriser tous les impacts sur le réseau et sur le trafic.
De simples offres tarifaires peuvent avoir des effets inattendus sur la répartition temporelle du trafic. Elles peuvent occasionner des surcharges du réseau à des heures de fort trafic, avec un risque de diminution du revenu de l’opérateur.
Les services « à valeur ajoutée » (services de messagerie, services de données…) sollicitent des ressources spécifiques (serveurs, commutateurs de données…) dont le dimensionnement doit être adapté.
Les coûts de développement des services doivent aussi être pris en compte. Ils comprennent non seulement les coûts de développement, de validation et de déploiement des serveurs et des « applications » mais aussi les coûts de validation des services « de bout en bout » (y compris les terminaux) ainsi que les coûts de développement, de validation et de mise en oeuvre des chaînes d’activation des services, de suivi de la qualité de service, de taxation…
Avec l’augmentation de la complexité des services, la part des coûts « système » (développement et validation des logiciels) ne cesse d’augmenter par rapport à celle des coûts « réseau » proprement dits (dimensionnement des équipements et des liens).
Le « time to market »
A cette difficulté d’évaluer la rentabilité des nouveaux services s’ajoute celle d’en maîtriser le « time to market », ces deux aspects étant intimement liés. Le succès commercial d’un nouveau service est largement dépendant de sa date de mise sur le marché.
L’effet de nouveauté peut être déterminant. L’opérateur qui ouvre le marché pour une nouvelle offre ou une nouvelle application peut « rafler la mise ». Ses concurrents, s’ils tardent à réagir, peuvent perdre des parts de marché significatives.
LES CONDITIONS DE SUCCES
Pour optimiser le développement de ses services, un opérateur doit maîtriser :
- l’offre technologique de ses fournisseurs, à la fois en terme de contenu et en terme de délai (« roadmaps »),
- l’architecture et le dimensionnement de son réseau et de ses services,
- la planification de ses projets pour assurer la mise sur le marché des services dans des délais adéquats (« time to market »).
Maîtriser l’offre technologique
La maîtrise de l’offre technologique des fournisseurs, intégrateurs et équipementiers est un facteur de succès de la stratégie de développement des services d’un opérateur.
Avec la dérégulation des marchés des télécommunications, le rapport de force entre les opérateurs et les équipementiers s’est inversé. Aucun opérateur n’est plus en mesure de dicter ses choix techniques à un fournisseur.
La relation entre un opérateur et ses fournisseurs est devenue une relation de partenariat dans laquelle l’opérateur, s’il souhaite infléchir les choix techniques ou la roadmap d’un fournisseur, doit le convaincre de la pertinence de ses orientations, dans une perspective élargie à l’ensemble du marché.
Les choix de fournisseurs de plates-formes de service sont particulièrement difficiles à remettre en cause en raison des investissements immatériels qui accompagnent leur développement et leur mise en service.
Dans ce contexte, il est clair que le choix des partenaires destinés à accompagner l’opérateur dans son développement revêt une dimension stratégique. L’opérateur doit développer une vision prospective du marché et des technologies, connaître les orientations stratégiques des fournisseurs, anticiper leurs alliances…
Cette vision prospective est d’autant plus difficile à développer que le marché et la technologie évoluent rapidement. Avec la numérisation des réseaux, la convergence entre l’informatique et les télécommunications ne cesse de progresser.
Cette vision prospective à moyen terme sur les grandes orientations doit aussi s’accompagner d’une visibilité à court terme sur les « roadmaps » de développement des produits des fournisseurs. Cette visibilité est nécessaire à l’opérateur, agissant en tant que « intégrateur » des produits de ses fournisseurs, pour qu’il puisse bâtir sa propre « roadmap » de développement de ses services.
Maîtriser l’architecture et le dimensionnement du réseau et des services
La maîtrise des coûts de développement des services passe par la capitalisation des investissements, c’est à dire la ré-utilisation d’un projet à l’autre d’une partie des développements.
Cette capitalisation des investissements est facilitée si l’opérateur dispose d’une « architecture cible » des services qu’il souhaite mettre à terme sur le marché.
Fonctionnelle au départ, cette architecture cible doit être « instanciée », c’est à dire « mappée » sur une architecture technique constituée de terminaux, de « serveurs de connectivité », de serveurs d’application internes ou externes, de liens et d’interfaces avec les systèmes informatiques de provisioning des services et de taxation.
Faute d’une maîtrise suffisante de son architecture, l’opérateur s’expose à des surinvestissements dans ses équipements, à des difficultés de mise au point de ses services en raison, par exemple, de l’identification tardive du besoin de re-dimensionner telle ou telle ressource, etc…
L’hétérogénéité des équipements et la co-habitation sur un même réseau de services de natures (circuit/paquet) et de générations (2G/3G) différentes peuvent complexifier considérablement cette architecture.
La maîtrise de l’offre technologique des fournisseurs ne garantit en rien la maîtrise de l’architecture et du dimensionnement du réseau et des services. Il s’agit de deux compétences bien distinctes. La compétence « système » de l’architecte repose sur sa compréhension intime du fonctionnement d’ensemble du réseau. L’architecte maîtrise les « graphes » du réseau tandis que l’expert technique raisonne en termes de « fonctions », de « couches » et de « protocoles ».
Maîtriser la planification des projets
La mise sur le marché d’un nouveau service peut être soumise à de multiples aléas : un fournisseur peut rencontrer des difficultés à respecter sa « roadmap », soit en terme de contenu, soit en terme de délai ; de nouvelles conditions de marché peuvent nécessiter de faire évoluer les priorités de mise sur le marché des services en cours de développement, etc.
Pour faire face à ces aléas, l’opérateur doit être capable à tout moment de « reconfigurer » sa « roadmap » de développement de ses services, ce qui nécessite qu’il dispose à tout moment d’une parfaite visibilité :
- sur les liens de dépendance entre les différents projets, le retard pris sur un projet pouvant avoir des répercussions sur d’autres projets,
- sur les plans de charges des équipes impliquées à chacune des étapes du développement : étude, intégration-validation, déploiement, mise en service.
LES SOLUTIONS D’ORGANISATION
Pour réunir les conditions de succès présentées ci-dessus, l’opérateur doit adopter une organisation et des processus adaptés.
L’organisation doit prendre en compte la diversité des activités nécessaires. Les processus doivent en organiser la coopération.
Les activités
L’activité « système »
L’activité « système » est responsable de l’architecture et du dimensionnement du réseau. Elle analyse l’impact de la mise en oeuvre des nouveaux services et définit les solutions d’implantation les mieux adaptées.
C’est elle qui détermine, par exemple, s’il est opportun de recourir, pour tel nouveau service, à une solution de type IN de préférence à une évolution de la chaîne informatique de facturation.
L’activité « système » s’appuie sur les équipes qui maîtrisent les fonctionnalités et les performances des équipements (activité « technologique »).
Elle doit être capable d’entretenir un dialogue constructif avec le marketing, en tant qu’organe d’expression des besoins en matière de nouveaux services (dans l’exemple cité ci-dessus, le choix de l’une ou l’autre solution n’est pas neutre vis-à-vis des évolutions du service, en terme de contenu comme en terme de capacité).
L’activité « technologique »
L’activité « technologique » est responsable du choix des fournisseurs et des équipements dans le cadre des spécifications d’architecture définies par l’activité « système ».
Elle maîtrise les fonctionnalités, les principaux paramètres et les performances des équipements sous tous les aspects (technique, exploitation..).
Elle établit le cahier des charges des équipements et maîtrise, en collaboration avec les achats, la relation contractuelle avec les fournisseurs
Elle assure la veille technologique.
L’activité « projet »
L’activité « projet » est responsable de la « roadmap » du développement des nouveaux services.
Elle participe aux pré-études afin d’élaborer le plan de développement du projet et les différents moyens de test et de simulation nécessaires pour les différentes phases de son évolution.
Elle conduit le développement des projets en coordonnant les différentes équipes technologiques, et en assure la validation.
Les processus
Le processus « schéma directeur »
Le « schéma directeur » vise à définir l’architecture cible et le « plan à moyen terme » de développement du réseau et des services.
Ce processus se situe à l’horizon « stratégique » (soit généralement l’année, ce qui est déjà long dans le secteur des télécommunications).
Le processus « projet »
Le processus « projet » définit les grandes étapes de déroulement d’un projet, de la pré-étude en amont jusqu’au transfert en exploitation, ainsi que les responsabilités et les modalités de collaboration des équipes au long de ce déroulement.
Le processus de pilotage
Le processus de pilotage vise à adapter en permanence la « roadmap » de développement du réseau et des services pour faire face aux aléas des projets.
LES PIEGES A EVITER
La délégation aux fournisseurs
Il est souvent difficile de trouver la bonne répartition des tâches avec les fournisseurs d’équipements et d’applications.
A trop déléguer, l’opérateur prend le risque de perdre la maîtrise de l’architecture de son réseau, ce qui se traduit nécessairement tôt ou tard par une sous-optimisation des investissements.
Inversement, une délégation insuffisante peut générer des surcoûts d’intégration et des retards dans le déroulement des projets.
Les roadmaps des fournisseurs doivent être considérées comme des « données de base » du plan à moyen terme de développement des services. Tout opérateur qui perd de vue cette réalité s’expose à graves désillusions.
L’activité « système »
Les compétences « système » sont rares. Elles sont difficiles à acquérir en interne comme en externe.
De plus, à l’instar de toute activité « transverse », l’activité « système » résiste souvent mal aux changements d’organisation, chaque domaine technique ayant tendance à vouloir conquérir son autonomie et construire en son sein sa propre activité « système ».
Le défaut d’activité « système » transverse à l’ensemble des domaines techniques génère des dysfonctionnements aux interfaces entre domaines : mauvaise évaluation de l’impact d’un nouveau service sur le dimensionnement d’un sous-système…
L’activité de pilotage
Le pilotage des projets de développement de nouveaux services est souvent l’objet d’une lutte de pouvoir entre la fonction technique et la fonction marketing-commerce.
Le marketing a tendance à considérer que la planification des projets est trop importante pour être confiée aux techniciens tandis que ces derniers considèrent qu’eux seuls peuvent maîtriser tous les impacts des aléas techniques et des changements de priorité incessants du marketing.
Un compromis doit être trouvé entre l’approche « industrielle » des techniciens qui veulent maîtriser tous les impacts des nouveaux projets sur le réseau et les marqueteurs qui veulent des solutions « rapides et jetables » qu’on industrialisera « plus tard », si le service rencontre le succès espéré…
CONCLUSION
La performance d’un opérateur de télécommunication repose sur sa capacité de développer des services innovants dans des délais et pour des coûts parfaitement maîtrisés.
OVA Consulting, société de conseil indépendante intervenant sur le secteur de des télécommunications, réunit des compétences et des expertises approfondies, acquises à l’occasion de nombreuses missions d’organisation et d’assistance à la conduite de projets.
Les prestations assurées par OVA Consulting vont de l’audit-diagnostic à la définition et à la mise en place de l’organisation, des processus et des systèmes d’information.
Contact :
Pierre COURBARIAUX OVA Consulting Tél : 01 46 88 38 54 GSM : 06 11 62 01 51